L’Amour à la française

Les Français sont-ils des obsédés de l’amour ?

 

Séducteurs, spécialistes, bons amants, obsédés, le mythe leur colle à la peau. Dans son dernier livre, Jean-Jacques Pauvert, qui a édité les plus grands auteurs érotiques, examine les idées - vraies ou fausses - que se font les étrangers sur l’Amour à la française.

 

Les Français sont des débauchés et des séducteurs. Quant aux Françaises, elles sont frivoles et trop faciles. Jugement excessif ? Le mythe résiste cependant depuis des siècles et, selon ses voisins européens, le Français est bien le spécialiste de l’amour charnel et coquin. Dans Punch, un journaliste anglais demandait, dans un humour très « british » : « Comment sait-on qu’un Français est venu chez vous ? » Et de répondre : « La poubelle est vide  et la chienne est enceinte ». C’est dire combien la réputation de la France, pays de la séduction et des plaisirs défendus, provoque autant l’attirance que le dégoût. Comme le raconte Jean-Jacques Pauvert dans l’Amour à la française, cette réputation ne date pas d’hier.

 

Dès le XVe siècle, les Européens accusent les Français de tous les vices. A l’époque, une nouvelle maladie sexuellement transmissible, la petite vérole (rebaptisée syphilis) fait des ravages. Les regards indignés se tournent vers les Français aux moeurs douteuses : ils seraient responsables du fléau. Plus tard, en 1631, un  Allemand, Abraham Goeltniz, déplore : la France a le pire des défauts, celui de « s’adonner aux femmes ». Pour l’Anglais Tobias George Smollet (1766), c’est bien pire. Les « mangeurs de grenouilles » (façon dont les Anglais appellent les Français, par mépris) ne reculent devant rien pour séduire les femmes des autres. « Si vous recevez un Français dans votre famille et lui témoignez des marques répétées d’amitié et d’estime, s’exclame-t-il, il vous remercie de vos amabilités en commençant à faire la cour à votre femme si elle est jolie, sinon à votre soeur, à votre fille, à votre nièce. S’il essuie des échecs et plutôt que de manquer à la galanterie, il entreprendra votre grand-mère ». Mais sur quoi les étrangers fondent-ils donc leurs accusations et sont-ils réellement des observateurs innocents ? La réponse est claire : non ! L’histoire peut ici nous éclairer.

 

Au XVIIe siècle, les pays européens alignent leurs règles de comportement autour de la judéo-chrétienneté : morale, vertu... La France, elle, fait bande à part et n’invente rien moins que le libertinage. Une provocation qui choque ses voisins. Ils décident alors de laisser les Français exercer leur art de l’amour en toute liberté – et puis, comment les en empêcher ? – et de venir en profiter chez eux ! Une « tradition » que l’on retrouve intacte

aujourd’hui. Le Moulin Rouge et autres cabarets érotiques ne sont-ils pas les lieux les plus appréciés des touristes ? Ne vient-on pas à Paris pour apprécier les « talents diablement particuliers des petites femmes françaises ? »

 

Michèle Sarde, dans Regards sur les Françaises (1983), explique que d’après son enquête sur des prostituées, celles qui réussissent le mieux sont les Françaises : elles valent deux à trois fois le prix d’une Espagnole ou d’une Anglaise. A tel point que celles qui veulent réussir partout dans le monde en arrivent à prendre un nom français.  Paradoxalement, la France est aussi le pays où les femmes ont la réputation d’avoir un réel pouvoir au sein du  couple et d’être volontiers indépendantes voire féministes. Les étrangers sont les premiers à le reconnaître et à l’admirer.

 

En cette fin de millénaire des étrangers continuent d’être choqués. D’un côté, les Américains s’étonnent « des affiches du Minitel rose et de la liberté de ton des publicités », de l’autre, les Portugais envient « le recours systématique au nu, à l’érotisme et à la sexualité pour vendre un plat cuisiné, une savonnette ou une voiture ». Ainsi l’attitude des Français vis-à-vis de l’amour serait à la fois choquante et terriblement attirante.   ©Estelle Nouel

L’Amour à la française, de Jean-Jacques Pauvert, Editions du Rocher, 6, place Saint-Sulpice, 75006 Paris.