LE STATUT DE LA FEMME EN
FRANCE AUJOURD’HUI
Défavorisée
à travers les siècles, la femme en France voit son statut changer aujourd’hui rapidement.
Sous l’Ancien Régime, la loi Salique, héritée des
tribus franques, lui interdisait l’accès au trône. A la
Révolution les femmes jouèrent un rôle important et en 1791
la Déclaration des Droits de la Femme et de la Citoyenne, stipulait dans
son article premier que “la femme naît libre et demeure
égale à l’homme en droit.” Cette déclaration ne fut jamais votée, Olympe
de Gouges, son auteur, fut guillotinée et les femmes
écartées du pouvoir. Sous Napoléon, le code civil
promulgué en 1810 était basé sur le droit romain et mettait la femme sous
l’autorité du mari, chef de la famille. Ce n’est qu’à partir de 1958 que les lois concernant les droits de la
femme dans la famille furent une
à une changées.
S’il y a toujours eu en France des femmes exceptionnelles, depuis
Christine de Pisan et
Eléonore d’Aquitaine jusqu’à Georges Sand et
Marie Curie, il a fallu attendre les milieu de xxe siècle pour voir les
mentalités changer. Depuis
lors les progrès se succèdent rapidement.
Quelques mots tout
d’abord sur l’éducation. A la Renaissance, un concile de l’Eglise
décrétait que la
femme n’avait pas besoin d’apprendre à lire, puisque son
rôle était d’être épouse et mère. Les portes de l’école et
de l’université lui furent donc fermées. Depuis la Révolution,
l’éducation en France est laïque, et le XIXe siècle
vit l’établissement
de nombreuses écoles publiques à travers le pays. Le
premier lycée de jeunes filles ouvrit ses portes en 1881 et la loi Jules
Ferry de 1882 rendait
l’instruction obligatoire pour
les garçons et filles âgés de 6 à 13
ans; l’éducation devint mixte à partir de
1960. Aujourd’hui, les
filles dépassent les garçons à tous les niveaux scolaires:
à l’école primaire, elles sont moins nombreuses à
redoubler une classe; au collège, un garçon sur 3 se dirige vers
l’enseignement technique, pour une fille sur 5; au lycée, 42% des
jeunes filles réussissent au baccalauréat, pour 37% des jeunes
gens. A l’université, les femmes sont depuis 1971 plus nombreuses que les hommes; elle
forment 52 % de la population universitaire (elles représentent 51,8 % de la population totale de la
France). Mais les jeunes fille se dirigent encore plus souvent que les jeunes
gens vers les humanités; s’il y a autant de femmes que
d’hommes dans le sciences sociales, elles sont nettement
sous-représentées dans les maths et les sciences.
Dans le monde du travail, l’ascension des femmes fut rapide. Aujourd’hui, 11,5 millions de Françaises travaillent, alors qu’elles n’étaient que 6,5 millions à le faire en 1960. Elles représentent maintenant 47% de la population active en France, le taux le plus fort de l’Union europénne. Cette arrivée massive des femmes sur le marché du travail s’explique par une meilleure scolarité, la généralisation de la contraception , la banalisation du materiel électro-ménager et la croissance du secteur tertiaire – mais aussi et surtout par la volonté des intéressées elles-mêmes d’acquérir une autonomie financière, après des décennies de politique familiale les incitant à rester au foyer. En effet, depuis la fin de la première guerre mondiale, la politique du gouvernement était d’encourager les naissances: la loi de 1920 interdisant la contraception ne fut abrogée qu’en 1967; l’Interruption Volontaire de Grossesse (IGV) ne devint légale en 1974 (Rowe v. Wade aux Etats Unis date de 1973); elle n’est remboursée par la sécurité sociale que depuis 1982; et les allocations aux familles nombreuses, qui se multiplièrent après la 2e guerre mondiale sévissent toujours.
Aujourd’hui, les emplois féminins augmentent deux fois plus vite que les emplois masculins, au point que les experts estiment que près de 90% des femmes devraient en 2040 occuper un emploi salarié Si les métiers interdits aux femmes sont rares, celles-ci choisissent surtout des emplois qui concilient la vie professionnelle et la vie de famille. Six métiers regroupent à eux seuls 60 % des travailleuses. Ce sont, par ordre d’importance, les employées d’entreprises ou de la fonction publique, les services, les ouvrières d’industrie non qualifiées, les institutrices, les professions de santé, et les activités sociales. Peu de femmes embrassent une carrière scientifique ou industrielle. Jusqu’à récemment l’accession aux postes de cadres et aux plus hauts degrés de la hiérarchies restait inhabituelle pour la femme. On ne compte que 6,3% de femmes parmi les équipes dirigeantes des 5,000 entreprises les plus importantes de France, et dans la fonction publique, où 59% des emplois sont occupés par des femmes, seulement 10% d’entres elles accèdent à la haute administration. Mais les temps changent : si les dirigeantes d’entreprise sont encore très rares, les femmes créent de plus en plus d’entreprises et celles de moins de 25 ans accèdent plus facilement aux postes les plus hauts. Notons au passage quelques pionnières: Dominique de la Garanderie, bâtonnière de l’ordre des avocats à la cour de Paris, Michèle Cotta, directrice de la chaîne télévisée publique France 2, Annette Roux, directrice des chantiers navals Bénéteau, la spationaute Claudie Haigneré, scientifique de formation, qui est maintenant à la tête du Ministère de la Recherche, et Catheryne Cesarsky, nommée en 1999 à la tête de l’Observatoire européen austral.
Revers de la médaille: les Françaises touchent en moyenne un salaire inférieur de 25% à celui des hommes (contre 9% de moins au Danemark et 35% de moins en Grande-Bretagne). Elles ont aussi souvent des carrières discontinues en raison de la naissance de leurs enfants ou de la mobilité professionnelle de leurs maris. A diplôme, expérience et qualifications identiques, on constate encore 13% de différence de rémunération. L’écart des salaires tend tout de même à diminuer, notamment chez les jeunes générations mieux formées que leurs aînées. Les femmes sont aussi plus souvent victimes de la précarité (elles détiennent 85% des emplois à temps partiel) et plus touchées par le chômage (13% de femmes étaient sans emploi en 1996, contre 9,8% d’hommes). Mais là aussi, la situation semble lentement s’améliorer: depuis 1993, le chômage masculin progresse plus rapidement que le chômage feminine en France comme dans le reste de l’Europe,. D’autre part, les professions qui créent des emplois ont tendance à se féminiser, toujours grâce au meilleur parcours scolaire des jeunes filles. Et les économistes observent que l’activité féminine stimule la consommation et la croissance, qu’elle génère de nouveaux services et des emplois.
En revanche, dans le domaine de la politique, les Françaises ont un sérieux retard. Elles n’ont obtenu le droit de vote qu’en 1945 (aux Etats Unis, les femmes votent depuis 1920). En 1945, il n’y avait que 6,05 % de femmes à l’Assemblée Nationale, et 50 ans plus tard, en 1995, ce chiffre n’était toujours que 6,1%. En 1997, à la suite de la décision de Lionel Jospin de réserver 30% des postes de candidats de son parti à des femmes, le chiffre remonte à 10,9%. Aujourd’hui, l’Assemblée Nationale compte 69 femmes sur un total de 574 députés, soit 12 %, et le Sénat 31 femmes sur 321 sénateurs, soit 9,6%. Malgré ce progrès, la France reste l’avant-dernier pays de l’Union européenne en ce qui concerne la place des femmes dans les parlements. Nous sommes loin derrière la Suède (40,4%), les autres pays du Nord (33 à 35 %), l’Allemagne (30,9%) ou encore l’Espagne (23,8%). Seule la Grèce a moins de députées que nous (6%). Au Parlement européen par contre, 30 % des députés sont des femmes, et parmi les députés français, il y a 40% de femmes. La cause des femmes est au cœur de la construction d’une nouvelle Europe et Noëlle Lenoir, notre ministre déléguée aux affaires européennes, mène une action remarquable dans ce sens.
D’autre part, il y a en France de plus en plus de femmes maires, surtout dans les petites villes et les villages. Mais les femmes ne représentent encore que 7,9% des conseillers gténéraux , 21,2 % des conseillers municipaux, et 25, 7% des conseillers régionaux. Il n’y a que 5 femmes sur 109 préfets et 11 femmes ambassadeurs sur plus de 150.
Venons-en à l’éxécutif: en 1991 Mitterand nomma la première femme premier ministre, Edith Cresson – très marquée politiquement et peu diplomate, elle ne resta au pouvoir que 323 jours. En 1997, Jospin nomma, pour la pemière fois, 6 femmes sur dix-sept ministres à des postes clés de son cabinet. Si la proportion est moindre dans le gouvernement Raffarin, pour la première fois une femme, Michèle Alliot-Marie (l’ex-présidente du RPR) est ministre de la Défense..
Le retard des femmes en politique s’explique par des raisons historiques (la loi Salique, l’exclusion des femmes de la citoyenneté à la Révolution, et le Code Napoléon), par des raisons institutionnelles (le mode de scrutin uninominal, qui favorise les notables, le cumul des mandats), par l’hésitation des femmes elles-mêmes à se porter candidates, et surtout par la mauvaise volonté des partis politiques qui sont des cénacles masculins tendant à se reproduire à l’identique. Cette discrimination est apparue suffisamment intolérable pour qu’une campagne soit lancée en 1992 dans les assemblées et dans la presse, demandant la parité hommes/femmes en politique (parité voulant dire égalité parfaite). L’on réclamait que les partis politiques présentent, sur leurs listes électorales, autant de femmes que d’hommes, mais le projet soumis à l’Assemblée fut changé plusieurs fois. Le texte de la modification qui fut enfin apportée le 28 juin 1999 à la Constitution prévoit simplement que “la loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives.” Reste à savoir comment.
Pour terminer, je voudrais rappeler que la féminisation du travail se reflète dans la langue. S’il y a toujours eu en France des ouvriers et des ouvrières, des infirmiers et des infirmières, les métiers fermés aux femmes n’avaient pas de féminin. Il y avait des grands cuisiniers mais seulement des petites cuisinières, Coco Channel était un grand couturier, et Edith Cresson le Premier Ministre ; on disait Mme le président, Mme le juge, Mme l’ambassadeur (ambassadrice étant réservé à la femme de l’ambassadeur), Mme le professeur, ( notons toutefois que les étudiants ont toujours, entre eux, dit la prof). Les femmes du gouvernement de Lionel Jospin décidèrent de revendiquer pour leur part la féminisation du titre de minisre, s’attirant les foudres de Maurice Druon, secrétaire perpétuel de l’Académie française. Le 8 mars 1998 une circulaire parue au Journal officiel imposait la féminisation des noms de métiers, fonctions, grades ou titres. Aujourd’hui, les termes la minitsre, la présidente, la garde des sceaux, la magistrate, la maire, la conseillère municipale, la dauphine, la capitaine, la gendarme, etc. sont entrés non seulement dans le langage courant, mais aussi dans les dictionnaires et sur les sites Web des ministères et des ambassades. Et ce malgré l’opposition renouvelée des Académiciens, qui ne veulent pas se rendre à l’évidence qu’une langue évolue. (Le Québec, où l’on dit, depuis les années 70, une écrivaine et une auteure, est en avance sur la France à ce point de vue).
En guise de
conclusion, je dirais que les nouveaux visages de la France sourient à
la femme, et l’encouragent à continuer son ascension vers une
égalité totale =avec
l’homme, son partenaire.
Gisèle Kapuscinski
Professeur Emérite
Monterey Institute of International Studies
http://www.ambafrance-us.org/culture/links/insitutions et vie politique/ministères & agences gouvernementales.
http://www.diplomatie.gouv.fr/actu/interventions/
Allocution prononcée par Madame Noëlle Lenoir, Ministre déléguée aux affaires européennes au 3e congrès europeeen de l’European Women Law Association, organisé par l’Association Française des Femmes Juristes. 21/09/02.
“Femmes et Hommes au pouvoir,” Communiqué conjoint du Ministère des Affaires Etrangères et du Ministère de l’Emploi et de la Solidarité. Paris, 31.03.99.
http://www.diplomatie.gouv.fr/actu/Ministère des Affaires Etrangères Parité homme/femmme à l Convention/ Déclaration d’une porte-parole du Quai d’Orsay. 01/02/02.
“il faut adapter le droit de la famille à l’évolution des mœurs.” Entretien avec Ségolène Royal. Label France, No. 43, avril 2001.
Montreynaud, Florence. “L’Utopie au féminin.” Label France, No. 39, avril 2000.
__________________ “ Elles font avancer la France.” Label France. No. 37, octobre 1999.
Mossuz-Lavau, Janine. “Les Françaises à la conquête du politique.” Label France. No. 37, octobre 1999.
Nassif, Philippe. “Entretien ave Anne Gazeau-Secret.” Label France, No. 37, octobre 1999.
Rapin, Anne. “Les enjeux de la parité” entretien avec la sociologue Françoise Gaspard. Label France, No. 35, avril 1999.
Thévenon, Emmanuel. “Travail des femmes: une irresistible ascension.” Label France, No. 37, octobre 1999.
“En bref: la féminisation des noms de fonction.” Entretien avec Martine Aubry, Ministre de l’Emploi et de la Solidarité, et Ségolène Royal, Ministre déléguée auprès du Ministre de l”Education nationale, de la Recherche et de la Technologie, chargée de l’enseignement scolaire. Label France, No. 32, juillet 1998.