Analyse

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Islam et République française Premiers pas vers l'intégration

 

Début janvier [2000], l'islam, deuxième religion de France par le nombre de ses fidèles (environ 4,5 millions), intégrait officiellement le paysage républicain français. Le président Jacques Chirac recevait en effet à cette date quatre représentants du culte musulman, afin de leur présenter les vœux de la République française, mais aussi de les présenter à la population musulmane de France. Cette initiative fut une grande première en France puisque l'islam, nouvelle venue parmi les grandes religions pratiquées en France, ne dispose pas encore d'instance représentative reconnue par les pouvoirs publics.

 

Le 28 janvier, 16 représentants de la communauté musulmane sur 17 conviés ont accepté de participer à la consultation, engagée par le ministre de l'Intérieur Jean-Pierre Chevènement, en vue d'"organiser le culte musulman" dans le respect des lois de la République et de son caractère laïc. Ils ont à cette occasion approuvé et signé un texte intitulé "Principes et fondements juridiques régissant les rapports entre les pouvoirs publics et le culte musulman". Une première mouture, la "Déclaration d'intention relative aux droits et obligations du culte musulman en France" avait été refusée par les représentants du culte, la considérant comme une "demande d'allégeance humiliante", et rejetant également un des premiers paragraphes où était mentionné de façon explicite le droit de changer de religion.

 

Lors de son allocution à la réunion plénière du 28 janvier, le ministre de l'Intérieur a insisté sur la volonté de l'Etat d'aider et d'encourager le culte musulman à s'auto-organiser et s'intégrer dans le paysage de la République française, "dans le respect des textes juridiques en vigueur qui s'imposent à tous". Citant l'historien Maurice Agulhon - "S'il y a place pour trois, il doit bien y avoir place pour quatre à la table de la République" - monsieur Chevènement faisait référence aux 3 autres cultes religieux (catholique, protestant et juif) reconnus en France. A ses yeux, laïcité et islam ne sont pas incompatibles, ainsi la laïcité de l'Etat respectueuse de toutes les croyances et protectrice du citoyen contre toute discrimination relative à sa religion ne va pas à l'encontre du "message du prophète", qui, dans la deuxième sourate, dit: "Pas de contrainte en matière de religion".

 

Cette démarche en vue d'intégrer l'islam au paysage de la République française n'en est pas à ses balbutiements, et le ministre de l'Intérieur a rendu hommage au travail de ses prédécesseurs Pierre Joxe (Parti socialiste) et Charles Pasqua (RPR), mettant ainsi en évidence que l'appartenance à un parti politique n'a rien à faire avec la cause qui doit "échapper à toute récupération partisane". A l'issue de cette consultation a été prévue une prochaine réunion fixée au 20 avril, au cours de laquelle seront formalisées cinq commissions thématiques.

 

Ainsi que l'avait annoncé Monsieur Chevènement en début d'année, "la route est encore longue", mais la communauté musulmane de France et les pouvoirs publics français ont entamé une démarche qui fait de la population musulmane de France une partie intégrante du paysage républicain, et qui peut-être servira de modèle à d'autres pays où intolérance et ignorance ne sont qu'entraves au développement de la société moderne.

 

Quelques points importants du texte ratifié par les associations

Parmi les principes sont stipulées la liberté de créer des associations cultuelles dont l'objet est l'exercice du culte, et la possibilité de les faire bénéficier de certains avantages fiscaux.

De même que les pouvoirs publics ne peuvent en aucun cas refuser la construction ou l'établissement d'un bâtiment religieux dans la mesure où les règles d'urbanisme sont respectées, ils ne peuvent financer directement la création d'un lieu de culte. Néanmoins, des subventions publiques peuvent être envisagées en vue de participer aux réparations de ces édifices.

 

C'est aux musulmans et à leurs associations qu'il revient de "fixer et de préciser la notion de ministre des cultes" et "d'indiquer, au sein de la communauté religieuse musulmane, les membres auxquels ce titre est conféré". Les fidèles d'un culte ont toute liberté de porter des emblèmes religieux vestimentaires en privé, cependant ils doivent se plier aux règles de certains services publics, comme l'enseignement public où ils doivent s'abstenir de les porter. On se rappellera les différents désaccords entre parents d'élèves, associations musulmanes et l'Education nationale quant à l'autorisation du port du foulard par certaines jeunes filles musulmanes dans des écoles; un point qui depuis des années soulève des discussions animées. A l'issue de cette réunion, les organisations musulmanes ont obtenu l'autorisation d'absence pour les agents publics lors de trois fêtes religieuses.

© Emmanuelle Duran

 

L'islam en France

L'islam s'est implanté en France après les lois de séparation de l'Eglise et de l'Etat de 1905, sans que les conditions de son exercice n'aient jamais été fixées. L'islam s'est durablement enraciné dans les années 60 avec l'arrivée massive de travailleurs immigrés venus du Maghreb, d'Afrique noire et de Turquie, qui dans les années 70 ont été rejoints par leurs familles. Environ la moitié d'entre eux sont aujourd'hui français. Il n'existe pas de clergé dans l'islam. Les associations musulmanes sont réparties en différentes fédérations selon l'origine nationale et la mouvance théologique. Le ministère de l'Intérieur a répertorié 900 imams (10% sont français) et 1.500 lieux de prière.

© AFP