Les Français
sous le choc psychologique de l'euro
En évoquant l'abandon définitif du
franc, certains parlent déjà de "choc psychologique
énorme", d'autres vont jusqu'à évoquer un "petit
deuil". De l'avis des praticiens et des experts, le passage du franc à
l'euro risque fort de perturber le consommateur en le privant brutalement de ses repères ancestraux.
Ce changement sera plus fort chez les Français que chez les autres
Européens, assure Marie-Adèle Claisse, psychanalyste
française et auteur du livre Dites oui à l'argent. "Le franc est
l'une des plus anciennes monnaies des onze nations à basculer dans
l'euro et la seule à porter le nom de son pays", rappelle-t-elle.
Le franc est apparu pour la première fois
en 1360, en pleine guerre de Cent Ans, en l'honneur de la libération du
roi Jean II le Bon, fait prisonnier à Poitiers par les Anglais quatre
ans plus tôt. Après le paiement d'une rançon de trois
millions d'écus d'or, le souverain était "franc" des
Anglais, c'est-à-dire libre. "Le Français a une nature
très terrienne, souligne Mme Claisse. Il ressent une identité
commune avec le franc. Quand on lui retirera sa monnaie, il pourrait se sentir
dépossédé de cette identité et le vivre comme un
reniement de ses ancêtres. Regardez le temps qu'il aura fallu pour passer
des anciens aux nouveaux francs."
Au-delà du risque de déracinement,
le consommateur va se retrouver brusquement dépourvu de repères.
Une paire de chaussures à 69,90 euros, un Paris-Marseille en avion
à 180 euros, est-ce cher ou bon marché? Sans son
indispensable
"prothèse calculette", devenue depuis quelques mois un
cadeau d'entreprise incontournable, on risque de se retrouver fort
dépourvu. Généralement, les psys pensent que les
réactions varieront selon la catégorie affective et le profil socio-professionnel.
"Les gens qui ont des problèmes avec l'argent, mais aussi des
soucis d'insertion ou de nature affective pourront ressentir avec l'euro un
appauvrissement", estime Ilana Reiss-Schimmel, analyste et auteur du livre
La Psychanalyse et l'argent.
D'après Sévérine Gamazic,
de l'Agence France-Presse